Journée mondiale pour un Internet plus sûr

Johanne Jutras

7 février 2023

Un peu d’histoire

Chaque année depuis 2004, se tient le deuxième mardi de février cette journée qui vise à sensibiliser la population à l’adoption de comportements responsables et sécuritaires sur le Web. D’origine anglo-saxonne, elle se nomme Safer Internet Day. « Porté alors par 14 pays de l’Union européenne, aujourd’hui, ce rendez-vous médiatique est déployé chaque année dans près de 150 pays et est devenu une fenêtre annuelle de diffusion de messages de prévention et de valorisation de pratiques innovantes concernant les usages numériques des jeunes partout dans le monde[i] ». De plus, « l’UNICEF juge crucial de mieux accompagner les enfants dans leur utilisation des technologies numériques, en donnant la priorité à leur bien-être physique et mental[ii] ». De nos jours, Internet joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne.

Les constats

En France, cette journée intitulée en 2023 « 20 ans…et demain? » invite les jeunes générations à formuler leurs souhaits pour améliorer leur vie numérique. Si le numérique offre de nombreuses occasions d’apprentissage, de divertissement et de développement pour les jeunes, il s’accompagne néanmoins de risques qui peuvent affecter leur santé. En effet, « certaines données démontrent que l’augmentation du temps passé en ligne entraîne une diminution des activités de plein air, une chute de la qualité du sommeil, un accroissement des symptômes d’anxiété et de mauvaises habitudes alimentaires[iii] ». De plus, les enfants sont davantage exposés à la désinformation, au cyberharcèlement sur les réseaux sociaux et les plateformes de messagerie, ainsi qu’à l’exploitation sexuelle en ligne.

Publiée en décembre 2022 par Statistique Canada, une enquête intitulée Utilisation des médias sociaux chez les adolescents et son association avec les relations et les liens interpersonnels : Enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire au Canada, 2017-2018[iv], nous apprend que « dans l’ensemble, l’utilisation intensive (communication en ligne presque constante avec d’autres) et l’utilisation problématique (dépendance potentielle aux médias sociaux) étaient plus fréquentes chez les filles (38 % et 7,7 %) que chez les garçons (30 % et 5,2 % ), et ces pourcentages augmentaient avec l’âge. L’utilisation intensive était associée à des relations sociales plus positives avec des amis, surtout chez les filles […] alors que l’utilisation problématique était systématiquement et négativement liée à des relations et à des liens interpersonnels solides pour tous les groupes de l’étude (11 à 15 ans). Une utilisation problématique était notamment associée négativement aux relations familiales solides chez les garçons. […] L’utilisation intensive des médias sociaux a le potentiel de renforcer les relations et les liens interpersonnels chez les adolescents. Toutefois, lorsque leur utilisation crée une dépendance ou devient « problématique », elle est fortement corrélée à de plus faibles relations et à un sentiment de déconnexion sociale. L’étude recommande que les initiatives de santé publique liées à l’utilisation des médias sociaux tiennent compte des différents types d’utilisation des médias sociaux qui peuvent avoir une incidence sur divers aspects de la santé[v].

Source de l’image https://projectarachnid.ca/fr/

Au Canada, le Centre canadien de la protection de l’enfance (CCPE), créé en 1985, est un organisme de bienfaisance national voué à la protection de tous les enfants. Il veut réduire l’exploitation et les abus sexuels d’enfants, aider à retrouver les enfants disparus et prévenir la violence faite aux enfants[vi]. Lancé en 2017 par le CCPE, le Projet Arachnid uniformise les méthodes de détection automatisées des images d’abus pédosexuels avec le concours de 13 ONG accompagnées d’une équipe spécialisée de 45 analystes répartis dans 12 pays dans le but d’envoyer rapidement des demandes de suppression aux fournisseurs de services électroniques (FSÉ). Le Projet Arachnid est une suite d’outils novateurs et centrés sur les victimes. Il a pour objectif de combattre la prolifération grandissante des images d’abus pédosexuels sur Internet[vii].

De 2018 à 2020, le Projet Arachnid a détecté plus de 5,4 millions de photos et de vidéos vérifiés comme étant des images d’abus pédosexuels et des images préjudiciables ou violentes sur les serveurs de plus de 760 FSÉ. Lors de la rédaction de son rapport, le CCPE accuse un arriéré de plus de 32,8 millions d’images suspectes à examiner. En effet, le rythme auquel le Projet Arachnid détecte les images suspectes dépasse de loin les ressources humaines disponibles pour les examiner. Pour les trois années de la période étudiée, le nombre d’images ciblées pour suppression par le Projet Arachnid se chiffre à 626 110[viii].

Source de l’image : https://tefaispassextorquer.ca/#memes

Au Québec, de 1998 à 2018 (donc sur une période de 20 ans), on observe quatre infractions sexuelles liées à l’utilisation d’Internet qui ont connu une croissance importante : le leurre d’enfant au moyen d’un ordinateur (art. 172,1) = + 20 500 %, l’incitation à des contacts sexuels (art. 152) = + 4 000 %, le fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite (art. 171,1 (1)) = + 1 825 %, la publication non consensuelle d’images intimes = + 577 %[ix] proscrite par l’article 162.1 du Code criminel qui « interdit à quiconque de sciemment publier, distribuer, transmettre, vendre ou rendre accessible une image intime d’une personne, ou d’en faire la publicité, sachant que cette personne n’y a pas consenti ou sans se soucier de savoir si elle y a consenti ou non[x] ». De plus, le nombre d’adolescents âgés de 12 à 17 ans ayant leurré des enfants au moyen d’un ordinateur, ayant rendu accessible du matériel sexuellement explicite à des enfants et ayant publié des images intimes était en croissance au Québec de 2014 à 2018,  la grande majorité des victimes étant féminines.

Les recommandations

À la suite de ses constats, le CCPE a recommandé les actions suivantes : instaurer et imposer un devoir de diligence assorti de sanctions financières en cas de manquement des FSÉ qui omettent de se conformer aux exigences réglementaires; imposer certaines obligations légales aux FSÉ en amont et à leurs clients, en aval; obliger les plateformes qui hébergent des contenus générés par les utilisateurs à utiliser des outils automatisés de détection proactive des images; établir des normes quant aux contenus qui, sans nécessairement être illégaux, restent préjudiciables ou violents à l’égard de personnes mineures; imposer des normes de modération humaine; fixer des exigences pour la vérification du consentement des sujets et de l’identité des utilisateurs; instaurer des normes de conception de plateformes qui réduiront les risques et augmenteront la sécurité; et finalement, établir des normes relatives aux mécanismes de signalement d’utilisateurs et des obligations de suppression d’images[xi].

Soulignons que le Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie (S-210)[xii], marrainé par la sénatrice Julie Miville-Dechêne, s’inscrit dans les actions proposées par le CCPE.

Les ressources en ligne

La campagne d’UNICEF, Réinventer l’éducation[xiii] vise à développer des technologies et des contenus sûrs afin de garantir un apprentissage de qualité.

En France, le site Cybermalveillance.gouv.fr. met à la disposition de la population différents supports (jeu, cahier de vacances, programme national de prévention, etc.) pour accompagner les plus jeunes selon leur tranche d’âge. Il propose aussi un outil de sensibilisation qui vise à éveiller aux questions de sécurité numérique, à partager les bonnes pratiques dans les usages personnels et professionnels du numérique. Des vidéos de sensibilisation peuvent être téléchargées gratuitement en citant les sources pour comprendre les cybermenaces et savoir comment y réagir.

Au Canada, « beaucoup de familles s’inquiètent pour la sécurité de leurs enfants sur Internet. Il n’est pas toujours facile de suivre l’évolution du numérique et de savoir comment bien protéger ses enfants. Le CCPE vous offre de l’information sur les intérêts sans cesse changeants des jeunes internautes, les risques auxquels ils sont confrontés et les mesures à prendre pour protéger vos enfants sur Internet[xiv] ». Il offre plusieurs outils :

Pour les parents : ParentsCyberAvertis.ca — Constamment revu sur la base des informations compilées par Cyberaide.ca, ce site permet aux parents de se tenir à jour sur les intérêts des jeunes à différents âges, les risques auxquels ils sont confrontés sur Internet et les mesures préventives qui leur apporteront une meilleure protection[xv].

Source de l’image : https://www.cyberjulie.ca/app/fr/

Pour les enfants : CyberJulie — Cette série interactive permet aux enfants de 8 à 10 ans de s’amuser tout en apprenant qu’il faut être prudent quand on joue à des jeux en ligne. Tous les éléments du programme CyberJulie (bandes dessinées, jeu interactif et questionnaire en ligne) offrent aux enfants une expérience d’apprentissage captivante sur le thème de la sécurité en ligne[xvi].

Pour les ados : AidezMoiSVP.ca — Ce site explique aux jeunes comment faire face aux problèmes souvent engendrés par des incidents de sexting et leur indique les mesures à prendre pour demander de faire retirer des photos et des vidéos d’un site Web. Il leur explique aussi comment faire intervenir un adulte de confiance, comment prendre soin d’eux-mêmes et comment reconnaître une situation qui dépasse les limites[xvii].

De plus, pour les ados : TeFaisPasSextorquer.ca — Ce site explique aux préados et aux ados en quoi consiste la sextorsion et comment ils peuvent se faire prendre au piège. Il leur offre aussi un moyen original de se protéger : des gif et des mèmes de rat-taupe nu à télécharger. La solution tout indiquée lorsqu’ils se font demander une photo nue[xviii].

Johanne Jutras

Membre du Comité Vigilance-médias


[i]https://primabord.eduscol.education.fr/safer-internet-day-2023.

[ii]https://news.un.org/fr/story/2021/02/1088992#:~:text=A%20l’occasion%20de%20la,bien%2D%C3%AAtre%20physique%20et%20mental.

[iii]Ibid., note ii.

[iv] https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2022012/article/00002-fra.htm.

[v] https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2022012/article/00002-fra.htm.

[vi] https://protectchildren.ca/fr/le-centre/.

[vii] https://projetarachnid.ca/fr/.

[viii] https://www.protegeonsnosenfants.ca/pdfs/C3P_ProjectArachnidReport_Summary_fr.pdf.

[ix] Johanne Jutras, Pornographies… Québec, 2021, p. 201 https://www.leslibraires.ca/livres/pornographies-johanne-jutras-9782982040106.html.

[x] Ibid., p. 208.

[xi] https://protectchildren.ca/pdfs/C3P_ProjectArachnidReport_Summary_fr.pdf.

[xii] https://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/44-1/projet-loi/S-210/premiere-lecture.

[xiii] https://www.unicef.org/reimagine/education

[xiv] https://protectchildren.ca/fr/ressources-et-recherche/securite-en-ligne/.

[xv] https://parentscyberavertis.ca/app/fr/.

[xvi] https://cyberjulie.ca/app/fr/.

[xvii] https://needhelpnow.ca/app/fr/

[xviii] https://tefaispassextorquer.ca/.

Vous aimeriez peut-être aussi:

L’Évangile selon Marie (The Gospel according to Mary)

On October 12, we met with Anne Pasquier, professor in the Faculty of Theology and Religious Studies and author of L’Évangile selon Marie: texte établi et présenté par Anne Pasquier. The text is published by Presses de l’Université Laval and in Écrits gnostiques (Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 2007). First published in 1983, the edition was revised and expanded in 2007, when the author added a chapter on the character of Mary Magdalene. We spoke to her about it.

Lire la suite >

Témoignage de soeur Gaétane Guillemette, Version espagnole

Por Suzanne Corriveau y Johanne Jutras, miembros del Comité.
El viernes 6 de octubre nos reunimos con la hermana Gaétane Guillemette en la Casa Generalicia de la Congregación de Notre-Dame du Perpétuel Secours (CNDPS), situada en el pueblo de Saint-Damien-de-Buckland, en la hermosa región de Bellechasse. Conozcamos mejor a esta apasionada mujer que lleva 57 años de vida religiosa.

Lire la suite >

Chronique culturelle

Si vous avez aimé les articles du dossier spécial « Les femmes et la vie spirituelle » du numéro de L’Actu’Elles, Johanne Jutras vous propose quelques références pour approfondir le sujet.

Lire la suite >