Un peu d’histoire… La fermeture du Studio Joli-Corps

Par Johanne Jutras, membre du Comité Vigilance-Médias

Il y a 35 ans, en mai 1988, le Centre des femmes de la basse-ville (CFBV) adressait un mémoire au Groupe de travail sur le contrôle des établissements présentant des spectacles à caractère érotique par la Ville de Québec. Ce groupe était composé de madame Jocelyne Potvin, de messieurs Jean-Marie Cloutier, Bruce Cook et Henri-Paul Vignola.

Source de l’image : https://www.journaldequebec.com/2019/03/17/dans-nos-archives-un-studio-erotique-controverse-a-quebec

À cette époque, le studio Joli-Corps soulevait la controverse pendant plusieurs jours. Installé sur la rue Saint-Joseph, le nouveau studio érotique offrait aux hommes de la région de satisfaire leurs fantasmes de voyeurisme pendant une vingtaine de minutes, en toute intimité, dans des cabines vitrées. « Le concept du studio Joli-Corps proposait une femme exécutant son numéro sur une scène circulaire entourée de onze cabines individuelle,  chacune étant munie d’une porte verrouillée pour mettre à l’aise le client » rapporte le Journal de Québec. En 1988, les édiles de la Ville s’étaient montrés impuissants à refuser la demande de permis du propriétaire Pierre Gagnon, selon le Cabinet du maire Jean Pelletier. Des groupes d’opposants ont manifesté devant le commerce où plusieurs citoyennes et citoyens scandaient « On refuse que notre quartier soit un petit Pigalle ». De plus, craignant un bordel et dénonçant l’obscénité, Mgr Raymond Lavoie décida de lancer un concours durant son homélie « Nous allons photographier tous les clients entrant au studio Joli-Corps, et toutes les photos prises en une semaine seront exposées dans le Mail Centre-Ville et dans les journaux si ces derniers le veulent bien ».

C’est dans ce contexte que le CFBV avançait dix arguments basés sur les liens entre la violence, les conditions de vie des femmes et les spectacles érotiques et/ou pornographiques. Examinons-les attentivement.

La violence faite aux femmes

Le mémoire mentionne qu’au Canada, une femme sur dix est battue régulièrement par son conjoint, qu’une femme est violée à toutes les 17 minutes, qu’une femme sur cinq est agressée sexuellement et qu’une fille sur quatre est victime d’inceste au cours de sa vie et ce, selon le ministère des Affaires sociales du Québec dans sa Politique d’aide aux femmes violentées parue en 1985.

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De plus, le CFBV fait état que la basse-ville de Québec est un milieu où s’exprime beaucoup de violence telles des bagarres, des règlements de compte, etc. et où l’on rapporte plusieurs cas de mésentente conjugale, de violence familiale, de consommation de drogue, d’alcoolisme et de problèmes psychiatriques.

Ensuite, le mémoire cite le rapport de recherche sur la pornographie intitulé Pornographie : cause importante de la violence envers les femmes de Nathalie Riel, publié dans la revue La Vie en rose en 1986, qui conclut que la violence faite aux femmes est directement liée à la consommation de la pornographie.

Puis, le mémoire estime que la venue d’établissements présentant des spectacles à caractère érotique met en péril la tranquillité publique car ils alimenteront la frustration des hommes et ils serviront à stimuler leur violence tant familiale que sociale. En effet, l’excitation que procure la danse et les spectacles érotiques s’expriment davantage par la violence que par la tendresse.

Les conditions de vie des femmes du quartier

Par ailleurs, le mémoire constate que les établissement présentant des spectacles à caractère érotique ainsi que tout autre commerce du même genre tels les sex-shop, placent les femmes dans des situations inconfortables tant par l’exploitation de leurs corps qui sont réduits à des objets sexuels que par l’atteinte à leur intégrité physique et psychologique en perpétuant une image dégradée des femmes diminuées ainsi à l’état de sexe.

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En se référant au document La pornographie : une question de droits de la personne qui nous concerne tous, paru à Montréal en 1985 par le Conseil des femmes de Montréal, le CFBV considère que la pornographie est remplie d’images qui imposent le silence aux femmes, trop souvent bâillonnées, concrétisant ainsi leur statut d’objet. Le mémoire estime également que les établissements à caractère érotique reproduisent les rapports inégaux entre les femmes et les hommes.

Compte tenu que le CFBV travaille à rehausser l’image des femmes, à améliorer leurs conditions de vie, à assurer la paix, le bien-être général de la population, il a recommandé la fermeture du studio Joli-Corps situé sur la rue Saint-Joseph et que la Ville de Québec cesse l’émission d’autres permis pour tout commerce à caractère érotique et/ou pornographique sur son territoire.

Évidemment, cette recommandation n’a pas été suivie par le Conseil municipal. Néanmoins, l’établissement des commerces à caractère érotique est maintenant régi par l’article 30 du Règlement d’harmonisation sur l’urbanisme, RVQ 1400. Toute personne peut s’y référer s’il juge que des commerces présentent des spectacles érotiques dans des zones non permises.

À bon entendeur salut !

Sources :

CENTRE DES FEMMES DE LA BASSE-VILLE DE QUÉBEC. Recommandations présentées au groupe de travail sur le contrôle des établissements présentant des spectacles à caractère érotique, 3 mai 1988, 5 pages.

Racine, Jean-François et Stéphane Doré. « C’était il y a 31 ans », Journal de Québec, 17 mars 2019, en ligne dans [https://www.journaldequebec.com/2019/03/17/dans-nos-archives-un-studio-erotique-controverse-a-quebec] (consulté le 23 février 2023).

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